Thursday 13 November 2014

Vive la science !

Voici coup sur coup deux avancées scientifiques majeures que l'on doit à la coopération européenne : la découverte du boson de Higgs par le CERN (Conseil Européen pour la Recherche Nucléaire) le 4 juillet 2012, et hier 12 novembre 2014 le premier atterrissage contrôlé sur une comète, piloté par l'ESA (European Space Agency) avec la collaboration de divers organismes associés.

La valeur de ces avancées réside en grande partie dans les travaux qu'elles permettent et qui vont suivre, une affaire de plusieurs mois voire plusieurs années. Pour l'instant, on peut se réjouir de deux choses au moins :

1. Quand on y met des moyens et de la volonté, qu'on fédère les intelligences et les subventions, l'Europe, ça marche !
2. Les deux événements, surtout l'atterrissage de Philae sur la comète, ont captivé une bonne partie du grand public, signe que l'on peut renouer avec l'enthousiasme des découvertes et de la connaissance, face à la suspicion qui se manifeste parfois à l'encontre du progrès scientifique et technique.

Et puisque ce blog est dédié à relier actualité et littérature, je ne serai pas original en me tournant du côté de Jules Verne, mais du moins vers un de ses romans les moins connus dont je recommande la lecture : Hector Servadac. Nous sommes-là dans la science-fiction, puisque l'histoire est celle de quelques Terriens embarqués sur une comète venue effleurer la Terre,
Les héros de Jules Verne gambadant sur la comète Gallia
et qui profitent de ce moyen de transport improvisé pour voyager dans le système solaire. Dans les nombreuses interviews qu'il a données ces dernières vingt-quatre heures, l'astrophysicien André Brahic relie lui aussi cette relance de la conquête spatiale avec l'esprit des grandes découvertes du XVIe siècle. Et dernier détail : l'un des astronomes du roman de Verne s'appelle... Palmyrin Rosette. En plus des références égyptiennes, les inventeurs de la sonde Rosetta lui auraient-ils fait un clin d’œil ?

Wednesday 25 June 2014

Concert Bonnet/Poulsen

Richard Bonnet (soufflant dans sa guitare à travers un bidule) et Hasse Poulsen au Maquis de Vareilles, Yonne, 30 mai 2014.

Friday 6 June 2014

On te dit qu'Il revient

Maurice Thorez
En 1953, Aragon publiait un poème ridicule sur le retour de Maurice Thorez en France. Difficile de croire, notamment en ce jour de célébrations du début de la libération de l'Europe, que ce fut le même qui écrivit "La rose et le réséda", "L'affiche rouge" et tant d'autres poèmes magnifiques.
Nicolas Sarkozy
Une fois encore, (mauvaise) littérature et actualité, ainsi qu'actualité d'hier et d'aujourd'hui, se télescopent, car voici que les fans de Nicolas Sarkozy font assaut de déclarations grandiloquentes sur le retour annoncé de leur vedette. Florilège, après des extraits du poème d'Aragon :

"Il revient ! Les vélos, sur le chemin des villes,
Se parlent, rapprochant leur nickel ébloui.
Tu l'entends, batelier ? Il revient. Quoi ? Comment ? Il
Revient ! Je te le dis, docker. Il revient. Oui,
Il revient. Le wattman arrête la motrice :
Camarade, tu dis qu'Il revient, tu dis bien ?
Et l'employé du gaz interroge : Maurice
Reviendrait ? Mais comprends, on te dit qu'Il revient,
Maurice...
Il revient. Je redis ces deux mots-là sans cesse."

"Je peux vous dire : il faut qu'il revienne" (Roger Karoutchi)
"Il n’a pas le choix, il doit revenir. […] Nous avons besoin d’un vrai leader, nous avons besoin d’un chef" (Nadine Morano)
"Je crois que face à ces circonstances historiques, il est temps que le devoir appelle Nicolas Sarkozy" (Geoffroy Didier)
"Le courage, l'intelligence et la compétence ont un nom. Nicolas SARKOZY. Revenez Monsieur le Président, nous avons besoin de vous, pour nous, nos enfants, nos petits enfants, qu'ils puissent dans uns [sic] France juste, douce et sereine." Philippe (citation figurant sur la page d'accueil du site nicolasreviens.fr)

Ironiquement, j'ai trouvé dans ma boîte aux lettres il y a quelques jours la pub d'un marabout me promettant "le retour de l'être aimé". J'ai à peine lu ; c'était peut-être un tract de l'UMP ?

Monday 26 May 2014

Europe : plébiscite pour que rien ne change

Le principal enseignement des élections européennes est clair : les Européens sont majoritairement satisfaits de l'Europe telle qu'elle fonctionne, et souhaitent continuer dans la même direction. La reconduction du groupe majoritaire (le PPE, droite) et la confirmation du S&D (gauche) dans son statut de principal groupe d'opposition en atteste.

La nouveauté, c'est la percée de partis europhobes, en particulier d'extrême-droite. Ils arriveront peut-être à constituer un ou deux groupes distincts, autour du Ukip britannique et du FN français notamment. On voit mal à cette heure comment ils parviendraient à infléchir la politique générale du Parlement.

Du point de vue français, le résultat est également très clair : il y a UNE grande vainqueur, politicienne hors-pair, dont il faut bien reconnaître tout le talent, même si on ne partage pas ses convictions. Je parle évidemment d'Angela Merkel. François Hollande sort diminué du vote, sa légitimité pour demander une nouvelle orientation à la politique du Conseil est nulle, et la chancelière, qui s'oppose à tout infléchissement de la politique actuelle, peut remercier les électeurs du Front national d'avoir affaibli les positions françaises à ce point.

Conclusion : c'est une occasion manquée pour tous ceux qui voulaient changer quelque chose. Le Parlement est reconduit, le pouvoir continuera d'être entre les mains du Conseil (c'est-à-dire des chefs d’États et de gouvernements), pas au Parlement. Les nations (Merkel, Cameron... comme Sarkozy en son temps) vont continuer de tuer dans l’œuf toute tentative de fédéralisation dans les domaines clés : économie, fiscalité, affaires étrangères, défense, sans parler de l'éducation ni de la protection sociale... qui relèvent aujourd'hui exclusivement ou quasi-exclusivement des États souverains. C'est d'ailleurs la plus grande victoire des europhobes en France et au Royaume-Uni d'avoir réussi à faire croire qu'il en était autrement.

Sunday 16 March 2014

Ukraine, Russia and Gogol

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Peu s'en souviennent aujourd'hui, mais l'actuelle situation politique en Ukraine a connu il y a quatre ans quelques prémices littéraires. On se préparait à célébrer le 200e anniversaire de Nicolas Gogol, né en Ukraine, pays qui servit de cadre à plusieurs de ses récits et nouvelles, mais d'expression russe, ayant vécu en Russie la plus grande partie de sa vie et enterré à Moscou. Les autorités des deux pays s'étaient disputées : Gogol, écrivain russe ou ukrainien ? Voici ce qu'en disait Igor Zolotussky, un spécialiste russe de Gogol :

"Il ne peut pas y avoir de débat car il n'existe pas d'identité nationale ukrainienne distincte. Gogol écrivait et pensait en russe. C'est un grand écrivain russe, point final." (c'est moi qui souligne)

A l'heure où je poste cet article, un référendum est en cours sur le rattachement de la Crimée à la Russie, avec, nous dit-on, des bulletins sans enveloppes, des urnes transparentes et des paramilitaires pro-russes en faction devant les bureaux de vote...

Four years ago some literary/diplomatic incident between Ukraine and Russia foreshadowed the current political situation. The preparations for the 200th anniversary of Nikolai Gogol's birth caused a dispute between the two countries. Was he a Ukrainian or a Russian writer?Gogol was born in Ukraine, whose culture and folklore influenced some of his stories, but he wrote in Russian, spent most of his life in Russia and was buried in Moscow. This is what Igor Zolotussky, a Russian specialist of Gogol, then said:

"There can be no such discussion because there is no such thing as a separate Ukrainian national identity. Gogol wrote and thought in Russian. He was a great Russian writer, full stop." (my italics)

As I write, Crimea is voting on whether to rejoin Russia or stay with Ukraine - with no enveloppes for ballots, transparent ballot boxes and pro-Russian militias deployed outside polling stations...

Tuesday 11 February 2014

Murphy riots and Dieudonné

Murphy riots in City Park Street, Birmingham, 1867
I was struck by the similarities between the Murphy riots in Britain in the 1860s and the recent Dieudonné affair in France – a rather small-scale repeat and in a different context, but with still much in common: 
1.   Murphy was an obsessive anti-Catholic paranoid (“every Popish priest is a murderer, a cannibal, a liar, and a pickpocket”). Dieudonné is an obsessive anti-Semitic paranoid (“les gros escrocs de la planète sont tous des juifs” – “the big crooks in the world are all Jews”).
2.   Murphy’s lectures in the North of England gathered impressive numbers of sympathisers. So do Dieudonné’s shows in his Paris theatre and throughout the country.
3.   Murphy presented himself as a champion of free speech, and so does Dieudonné. The protestant Evangelical Mission (a strongly anti-Catholic organisation) said in Murphy’s defence: “Englishmen are being deprived by a Military Despotism at the dictation of ROMISH PRIESTS.” And Riposte Laïque (a far-right organization): “Le pouvoir se sert de Dieudonné pour interdire la liberté d’expression” – “the government uses Dieudonné to ban free speech.”
4.   The then Home Secretary personally intervened against Murphy, saying “his words [were] only fit to be addressed to thieves and murderers”. The French Home Secretary condemned “Dieudonné’s racist and anti-Semitic words most firmly,” and won the legal battle to ban his most controversial show.
Fortunately, nothing like the Murphy riots happened, and only minor incidents have been reported here and there. But the question posed by Murphy’s lectures and by Dieudonnés shows is obviously the challenge they present to political liberalism: should we or should we not allow total freedom of speech? Where should we draw the line between free speech and incitation to violence and hatred? Your reactions are most welcome.

Monday 3 February 2014

John Galsworthy et le mariage pour tous


Nous avons assisté hier à une nouvelle démonstration de force de la "Manif pour tous". Il était amusant ce matin de comparer les unes du Figaro et de Libération, sans surprise au demeurant : "Grande manifestation pacifique" pour les uns, "Manip pour tous" pour les autres... Ce qui est curieux, c'est de manifester contre des moulins à vent : personne n'a jamais voulu enseigner la théorie du genre dans les écoles (d'ailleurs ça n'existe pas, c'est une traduction maladroite et trompeuse de l'anglais gender studies, dont on peut penser par ailleurs ce que l'on veut, mais si on les critique, critiquons-les pour ce qu'elles sont), et le gouvernement répète à qui veut l'entendre que ni PMA ni GPA ne sont à l'ordre du jour... Il s'agissait surtout de faire un procès en illégitimité au président et au gouvernement socialistes, et ce n'est pas la première fois que l'on constate que la droite a tendance à considérer que le pouvoir, pour le plus grand bien de tous, doit par essence rester sa chose.


The Forsyte Saga - 1967 television adaptation

Cela dit, rien n'indique que PMA, GPA, et, pour élargir le débat, outils de surveillance généralisée des populations ou autres modifications génétiques, ne deviendront pas un jour réalité, illégale puis parfois légale. Il est raisonnable de penser que ce qui techniquement possible finit par advenir. Les peurs des manifestants d'hier ne sont pas à ranger au rang des fantasmes d'illuminés, toute arrière-pensée politique mise à part, je n'y reviens pas. J'étais replongé ces derniers temps dans la lecture de John Galsworthy, surtout The Country House, mais l'auteur est surtout célèbre pour The Forsyte Saga, où on lit ceci :

"Men are in fact quite unable to control their own inventions; they at best develop adaptability to the new conditions those inventions create."

Ainsi avons-nous dû nous adapter à la menace nucléaire, à l'invention du téléphone et aux trains à grande vitesse. Il faudra nous adapter (si ces choses deviennent techniquement et financièrement réalisables) aux innovations de la génétique et de la biologie. On devra bien sûr se poser la question du bien et du mal, mais comme on se la pose pour les drogues ou la prostitution : en sachant que le but ne peut pas raisonnablement être d'éradiquer le problème. Une autre citation de Galsworthy pour finir, histoire de pimenter un peu plus le débat sur le mariage homosexuel :

"Society is built on marriage... marriage and its consequences."